Dans le cadre du "chantier environnement, diversification énergétique", l'association L'Ami Public a organisé un débat sur la prise en compte des facteurs environnementaux dans la stratégie de croissance et de développement favorable à l'emploi.
Ou comment le développement durable peut constituer un facteur puissant de progrès économique et social, au plan local et au plan mondial.
Invités, Alain Faujas (journaliste au Monde, spécialiste des questions macroéconomiques) et Elisabeth Laville (Fondatrice d'Utopies, auteur de l'Entreprise Verte et Achetons Responsable) ont présenté leurs travaux et mené le débat.
L'intervention d'Alain Faugas, poivre et sel du débat, démarre par cette déclamation : "Vive l'augmentation du cours du pétrole !"
Bien sûr, au plan individuel, c'est une plaie, mais au plan macroéconomique, on peut constater que la montée des cours n'a pas cassé la croissance économique mondiale (selon les "indicateurs traditionnels" - la question de la pertinence des indicateurs reviendra sur le tapis ensuite). Elle a pour vertu de redistribuer les cartes dans le domaine énergétique en agissant sur les technologies et les systèmes relatifs aux déplacements et aux transports.
Où en sommes-nous actuellement des biocarburants ou énergies alternatives ?
- les moteurs à hydrogène dont on a tant parlé ne sont nullement au point et ne le seront pas avant longtemps ;
- l'éthanol (à base de sucre à 85% et d'essence à 15%), principalement produit par le Brésil qui est à l'avant-garde depuis le premier choc pétrolier. Les 3/4 des véhicules brésiliens roulent à l'éthanol.
L'Europe est à la traine. On imagine qu'en 2010 seulement, 10% de biocarburants propulseront nos véhicules. En outre, il n'y a pas de politique européenne commune : imaginez que les Suédois utilisent le vin français déclassé pour faire leur biocarburant !
La grande nouveauté de 2006 vient des Etats-Unis (ces alcooliques du pétrole, notamment en provenance du Moyen Orient) : les Américains se sont lancés avec volontarisme et sens du business dans une affaire qui leur est soudainement apparue d'avenir et rentable. Avec pour objectif de réduire rapidement de 20% la consommation des américains en hydrocarbures et de produire +20% par an de biocarburants.
Leur biocarburant est basé sur le maïs et les agriculteurs américains se sont rapidement lancés dans la construction d'usines de transformation d'une part, tout en vendant leurs surplus de maïs aux Chinois, gros consommateurs de céréales.
Aujourd'hui, les Etats-Unis dépassent déjà le Brésil en termes de capacité de production.
Néanmoins, le bilan énergétique de l'éthanol est discutable, puisque le
produire et le brûler se situe à 75% sur une échelle où l'essence se
situe à 100%.
Une solution nettement plus efficace et propre serait de transformer la biomasse, en récupérant fourrées, broussailles et sous-produits de l'abattage. De nouveau, les Brésiliens sont sur le coup.
Tout ceci étant dis, ne nous leurrons pas : les énergies renouvelables ne représenteront pas la majorité des sources d'énergie dans les 50 ans à venir. Les hydrocarbures (pétrole, gaz) continueront à mener la danse avec, en outre, le grand retour du charbon (il y en a partout, c'est facile à exploiter, peu onéreux, terriblement polluant et pénibles pour les hommes), ainsi que l'élargissement de l'ensemble des programmes nucléaires (Chine, Russie, Etats-Unis, etc...).
L'appétit du monde en énergie est tel que toutes les sources d'énergie sont et seront encore longtemps sollicitées. En tentant, autant que faire se peut, d'améliorer leur performance et leur bilan écologique...
Elisabeth Laville intervient ensuite pour présenter briévement Utopies, agence pionnière dans le conseil en développement durable, depuis 93.
Et attaque très vite sur un sujet qui fait débat actuellement : l'écologie est-elle un moteur de croissance ou le fondement de la décroissance ?
Pour beaucoup, l'écologie est un retour en arrière, souhaitable (altermondialisme) ou villipendé (partisans de la croissance à tous prix) :
- voir des supports tel que La Décroissance ("consommer moins") par exemple
- consulter les analyses d'Edgar Morin
Le monde entrepreneurial qui ne voit encore souvent que des contraintes dans l'écologie, sans en percevoir les opportunités.
Mais avant d'aller plus loin, il s'agit de définir de quelle croissance nous parlons :
Les indicateurs traditionnels (PIB, monétaires) ne sont plus satisfaisants. Il s'agit aujourd'hui d'utiliser de nouveaux indicateurs prenant en compte l'indice de satisfaction et la qualité de vie au même titre que la croissance monétaire.
A ce propos, consulter :
> Redefining Progress et ses indicateurs de développement durable
> Human Development Index, et sa carte mondial des pays à haute qualité de vie
> ou encore, chez NEF, le "Happy Planet Index", qui a fait grand bruit dès sa sortie 2007 dans la presse mondiale.
Un petit pays, le Bouthan, a décrété que dorénavant, il calculerait sa performance de croissance en termes sociaux et environnementaux, avec son indicateur du bonheur national brut.
Pour en revenir au monde de l'entreprise, il convient de réinventer les business models.
Partant du principe que l'entreprise est une "machine à résoudre les problèmes", ne peut-elle pas devenir le lieu privilégié de réflexions et de résolution des questions sociales et environnementales ?
Réinventer un business model pourrait consister à (1) produire mieux (2) recycler ses produits (3) remplacer ou compléter ses produits par des services auprès des clients.
Outre les exemples très connus de Patagonia ou des dalles de moquette Interface, d'autres entreprises, assez inattendues sur ces questions, commencent à se manifester : General Electric avec son programme chiffré Ecomagination, WalMart et "Saves the Planet", Mark & Spencers avec son "Plan A" (car il n'y aura pas de plan B !), Les Supermarchés Migros en Suisse.
Plus près de nous, les stations de ski souffrent du réchauffement climatique et 10% d'entre elles sont déjà dans des situations critiques : "la neige est une espèce en danger". Consulter l'engagement de la station d'Aspen, dans le Colorado.
Là encore, une "mesure pansement" est l'utilisation massive des canons à neige Vs. une "mesure à long terme" : réinventer le business model et imaginer d'autres utilisations des stations.
Enfin, l'écologie peut être un facteur de développement local :
lire et relire "Le Grand Bazar Mondial" de Laurence Benhamou, et évoquons les "kilomètres alimentaires, car le transport des produits alimentaires, par exemple, a un impact écologique colossal.
Un repas moyen parcourt 3000 kms avant d'arriver dans l'assiette !
Mieux vaut consommer local plutôt que bio dans de nombreux cas, et relancer les cultures locales. Ces bonnes pratiques peuvent relancer l'économie locale en créant immédiatement des emplois et relançant la croissance d'une région, sans compter les économies de CO2.
Voir à ce propos les exemples de Farmers Diner dans le Vermont ou des supermarchés Sainsburys en Angleterre, où actuellement 70% de l'approvisionnement est local.
Certains opposeront qu'avec de telles pratiques on va encore appauvrir les pays producteurs du Tiers-Monde : Faux. Les monocultures, aux mains de riches propriétaires, ont appauvri les populations et tué les cultures vivrières locales. Sans compter la problématique de la dette et ses conséquences sur les cultures traditionnelles.
Outre l'alimentaire, le bâtiment, peu éco-efficace et nécessitant des déplacements de matériaux venant de très loin, génère actuellement 40% des émissions de CO2. Des exemples d'entreprises ou de collectivités locales sont à suivre : l'entreprise Rottal, en Bavière utilisant le bois local, ou bien le Conseil Général des Vosges, avec la construction exemplaire du Lycée de Mirecourt.
En conclusion, la décroissance ne peut être envisageable car ce serait faire injure à l'intelligence humaine d'une part, et aux millions de gens qui sont actuellement dans la pauvreté, d'autre part. Mettons en oeuvre notre intelligence et soyons économes, sachant que chacune des solutions proposées comportera inéluctablement des inconvénients.
Le chantier est ouvert...
----------------------------------
Cette conférence du 27 janvier 2007, à l'Assemblée Nationale, marque le début du chantier de l'Ami Public, puissante force de proposition auprès des instances politiques dans le but de réformer l'Etat.
Les sujets à suivre seront :
- Santé et environnement
- Urbanisme et habitat environnemental
- Télétravail, organisation du travail
- Agriculture et environnement
Inscrivez-vous auprès de l'Ami Public et Catherine Gallou, et participez activement avec vos expériences, projets, questions et informations.
Les réflexions, propositions et conclusions seront présentées et suivies auprès des politiques dès juillet 2007.
Par Thierry et Catherine
Illustration en entrée de post : greenpack
Certaines entreprises ont malheureusement pris le parti de financer des contre-études qui supportent le négationnisme climatique. Elles sont minoritaires.
Les débats autour de la reforestation sont parfois issus de ce type d'études. Malgré tout, l'ensemble des entreprises a pris conscience que la lutte contre le réchauffement climatique pouvait parfaitement s'intégrer dans une politique d'entreprise tout en s'avèrant également rentable.
Voir l'article:
http://www.novethic.fr/novethic/site/article/index.jsp?id=110834&titre=Al%20Gore%20relance%20le%20d%C3%A9bat%20sur%20le%20n%C3%A9gationnisme%20climatique
Rédigé par : Gérald | 12/08/2007 à 19:18
En matière de réchauffement climatique par exemple, tous les avis scientifiques concordent maintenant (cf la une du Monde de mardi 30 janvier 2007).
A mon sens si chacun ne s'y met pas aujourd'hui, dans sa vie de tout les jours mais aussi dans son travail, on ne sauvera pas la planète et encore moins l'espèce humaine...
Rédigé par : stock video footage | 06/08/2007 à 14:18
Intéressant! J’ai rédigé deux textes traitant de sujets environnementaux, dont l’un a paru dans le journal Le Devoir. À voir sur mon blogue :
http://pourquedemainsoit.blogspot.com/2007/04/le-dogme-de-la-croissance.html
http://pourquedemainsoit.blogspot.com/2007/04/le-complot-de-leau.html
Rédigé par : Jimmy St-Gelais | 04/05/2007 à 06:22
Merci Marco pour ton info sur croissance verte, effectivement un blog très pertinent et à consulter de part les questions très diverses qu'il soulève et les réponses "out of the box", qu'il propose !
Rédigé par : Cath | 27/02/2007 à 10:04
Bonjour,
Merci pour cette note et pour ce blog. Je suis d'accord avec vous, la décroissance n'est pas envisageable, c'est même une utopie totale tant que l'économie de marché règnera. En revanche, il faut envisager la croissance différemment et de plus en plus d'entreprises tentent d'appliquer les secrets de la croissance verte = créer de la valeur en réduisant son empreinte énergétique sur l'environnement. Nous sommes quelques uns à chercher à creuser ce concept d'ailleurs. vous pouvez nous retrouver sur http://www.croissance-verte.com
Rédigé par : Marco | 25/02/2007 à 20:37
@ Monique : merci pour ton savoir (en tout ! mais comment fais-tu) et ta générosité en partage d'infos hyper utiles !
J'y cours.
Oui Magali, tu as raison, la volonté politique ayant donné le nucléaire à tous crins, l'autoroutier à tout va (Cf les puissants lobbies dans ces domaines dans notre pays), elle pourrait donc logiquement aboutir à de grands résultats durables... si et seulement si...
perso, je n'y crois pas fort ou alors au moment où il ne s'agira plus de prévenir, mais de guérir (et là, imagine les moyens financiers colossaux qu'il faudra mettre en oeuvre au détriment de tout le reste).
Les actions conjuguées de diverses entreprises et associations mettant le doigt sur les avantages et gains financiers et sociaux auprès des entreprises pourront faire tourner la roue dans le bon sens.
Car les entreprises sont les nouveaux véritables lieux de décision et de pouvoir.
Et puis quand on parle sous et gains, les entreprises comprennent tout-à-fait !
"Comme disait ma grand mère, on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre."
Rédigé par : Cath | 01/02/2007 à 15:44
Travaillant dans le domaine des transports (aviation civile), j'estime qu'il faut repenser l'offre de transport dans son ensemble. Au moins au niveau national, dans un premier temps. Mettre en place des TGV à la place des lignes courts courrier par exemple. Peut-être favoriser les gros porteurs bien pleins plutôt que le système de navettes pas toujours remplies, possibilité à étudier.
Développer à fond l'offre de transport en commun autour des villes, ainsi que la construction de pistes cyclables et de parkings à vélos gardés, qui iraient avec !
Mais : cela nécessite d'une part beaucoup d'argent, de la poche de l'état notamment, pour qui ça n'est pas une vraie priorité. D'autre part, ça va un peu à l'encontre de la liberté du marché et du citoyen... La France est complexée par la régulation du marché ; quant au citoyen, lui proposer d'autres choix passe pour des mesures impopulaires et fait peur aux individus potentiellement éligibles.
Les gouvernements successifs continuent à scier la branche sur laquelle ils sont assis en ne se préoccupant pas assez de l'écologie, à savoir étymologiquement la science de la maison...
En matière de réchauffement climatique par exemple, tous les avis scientifiques concordent maintenant (cf la une du Monde de mardi 30 janvier 2007).
A mon sens si chacun ne s'y met pas aujourd'hui, dans sa vie de tout les jours mais aussi dans son travail, on ne sauvera pas la planète et encore moins l'espèce humaine...
On nous a doté d'un cerveau, l'heure est venue de s'en servir à des fins vraiment utiles !!!
Bravo à vous tous qui avez compris cela !
Bravo notamment à tous les gens qui travaillent pour EcoAct qui ont le courage de donner de leurs personnes pour avancer selon leurs convictions, en alliant social et écologie !!!
Rédigé par : Magali M | 01/02/2007 à 10:49
Bonjour Cath,
AMAP = Association pour le maintien d'une agriculture paysanne
Des explications et quelques liens sur Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Association_pour_le_maintien_d'une_agriculture_paysanne
Amicalement,
Monique
Rédigé par : Monique | 30/01/2007 à 22:43
Bien vu Matthieu, j'ai assisté à cette conf' également et je n'ai pas osé poser la question, à laquelle tu réponds !
Au fait, et excuse mon ignorance, mais une AMAP c'est quoi et où peut-on en trouver une liste ? Merci pour ton info.
J'avais lu dans "Discover Magazine" (un "Nature" plus vulgarisé) il y a qqs mois une expérience également tentée dans l'ouest américain et qui fonctionne très bien, en réinventant en outre de vieilles recettes : comment accommoder les feuilles de cactus, les fleurs d'épineux, etc.... !
Rédigé par : Cath | 29/01/2007 à 11:00
Le reporting de l'intervention d'Elisabeth Laville est brillant, sans parler de la robe de ladite star du DD. Les idées d'Utopies sont toujours fraiches et réalistes. J'ajouterais cependant une seule chose, comme citoyen acheteur responsable: mieux vaut consommer local que Bio d'un pays lointain, certes, mais mieux vaut consommer Bio et local que local tout court. Via une AMAP par exemple.
Rédigé par : Matthieu | 29/01/2007 à 09:51