Au moment où les Etats préparent les suites de l’après Kyoto 2012, le débat public de société sur le risque climatique et la lutte contre l’effet de serre prend une nouvelle ampleur dans le monde.
Face à cette prise de conscience des opinions, quels sont les scénarios possibles de réduction des émissions de CO2 au niveau mondial pour faire face à ces risques ?
Claude Mandil, Directeur Executive de l’AIE (Agence Internationale de l’Energie), a donné sa vision des futurs possibles lors du diner-débat qui a eu lieu à Paris le 22 février, organisé par les Groupements Energie-Chimie et Environnement de l’association HEC.
Voici des extraits de son intervention...
L'Agence internationale de l'énergie (AIE), a été crée en 1974, juste après le choc pétrolier.
Elle est le cadre privilégié pour la coopération entre 26 pays membres de l'OCDE dans le domaine de l'énergie.
Les objectifs de l'AIE comprennent l'amélioration de la structure de l'offre et la demande d'énergie au niveau mondial, l'utilisation plus efficace de l'énergie et le développement de sources d'énergie de substitution afin de réduire la dépendance par rapport à chaque source.
L’agence conseille également aujourd’hui les états membres, mais aussi non membres (Chine, Inde, Russie) dans leurs politiques énergétiques.
Les travaux effectués par l’Agence intègre dans sa politique les EEE : Energy, Economic Growth, Environment, qui sont les 3 piliers de la politique énergétique.
L’AIE a établi en début d’année différents scénarios liés au réchauffement climatique : « world energy outlook ».
A politique constante, c’est-à-dire si rien ne change dans notre politique énergétique, l’AIE dresse le constat suivant pour 2030 :
- Augmentation des consommations d’énergies de + 55%
- La part de l’énergie fossile augmente à 85% (contre 80% aujourd’hui)
- La part du pétrole et du charbon augmente, la part du nucléaire baisse (car il est stoppé par de nombreux pays)
- Les énergies renouvelables augmentent fortement mais restent très modestes.
Ce scénario inacceptable ne respecte pas les « 3 E ».
« Energy » : ce scénario ne permet pas la sécurité des approvisionnements, objectif premier fixé par l’OCDE à l’AIE. Le pétrole dans 30 ans viendra encore plus du Moyen Orient qu’aujourd’hui. L’instabilité politique au Moyen Orient représente un risque au niveau mondial.
« Economy » : il y a peu de fournisseurs, donc un risque d’abus de position dominante (ce qui est déjà le cas aujourd’hui) d’où une augmentation des prix par les pays du pétrole.
« Environment » : augmentation de 60 % des émissions de CO2.
Aujourd’hui néanmoins, il existe une prise de conscience réelle au niveau politique : «Toute tonne de CO2 évitée aujourd’hui ne sera pas traitée par nos petits enfants».
A court terme, il est possible d’infléchir le scénario ci-dessus en prenant des mesures à coûts modérés voir négatifs (mesures rentables).
Les efforts doivent porter déjà sur l’efficacité énergétique.
Par exemple, dans le monde, si on remplace toutes les ampoules actuelles par des ampoules basse énergie, la consommation d’énergie diminuerait de 30 %. Dans le domaine de l’efficacité énergétique, la réglementation peut avoir un effet incitatif.
Il faut également développer le renouvelable, comme l’éolien ou le biocarburant car il est rentable.
D’après Claude Mandil, développer le nucléaire serait efficace, mais il se heurte à un problème de crédibilité politique aujourd’hui.Il faut trouver des percées technologiques :
> Développons l’énergie renouvelable mais en cherchant à en réduire les coûts.
> Le deuxième outil consiste à développer toute technologie ou méthode permettant la capture du CO2.
Commençons par des choses simples et efficaces (énergie propre, reforestation,…) avant de creuser des technologies plus complexes.
Si ces quelques techniques sont mises en œuvre, le scénario à 2050 serait plus rose.
Les émissions de C02 seraient identiques à aujourd’hui (scénario estimant à 20 € le prix de la tonne de CO2 évitée qui est le prix moyen aujourd’hui). Dans ce scénario, il existe un pic d’émission en 2020.
Mais il reste le problème du transport et le gros problème lié au carburant. Et là, il n’y aura pas d’améliorations probables avant 2050 (moteur à hydrogène, etc…), les barrières scientifiques restant considérables.
Quelle est la sensibilité des nouveaux pays face au réchauffement climatique ?
Il y a de grandes différences.
Aux Etats-Unis, il existe une prise de conscience des dirigeants due à l’opinion publique. Cette prise de conscience politique est également due à l’augmentation de la consommation qui enrichit des pays comme l’Iran, la Chine ou la Russie.
La Chine est d’accord pour lutter contre les émissions de CO2, mais pas au prix d’une croissance plus faible. Car, pourquoi les pays industrialisés auraient-ils eu le droit de s’industrialiser sans cette contrainte et non la Chine ?
De manière générale, pour Claude Mandil, le défi climatique est un enjeu majeur aujourd’hui à l’échelle mondiale. Toutes les grandes puissances se peuvent ignorer ce défi et l’intègrent nécessairement au cœur de leurs politiques énergétiques.
Propos recueillis par Gérald
Source carte Agence Internationale de l'Energie (cliquer sur la carte pour l'agrandir)
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